Ils sont dix-sept adolescents à partager leur classe d’élèves non-francophones au collège Garcia-Lorca pour presque autant de nationalités différentes.
S’il est un collectif pour incarner la diversité, c’est bien la classe de Mélanie Ory. 16 nationalités pour 17 élèves, âgés de 11 à 16 ans. Arrivés en France les uns depuis quelques mois, les autres depuis un ou deux ans, ils composent au collège Garcia-Lorca ce que l’Éducation nationale appelait naguère une CLIN (classe d’initiation) et qu’elle a rebaptisé UP2A, unité pédagogique pour élèves allophones arrivants.
Autrement dit, pour de jeunes nouveaux venus sur ce territoire dont ils ne maîtrisent pas encore la langue (1). En tout cas, dans la classe de Mélanie, ce mardi matin, l’usage du français, même approximatif, révèle un fabuleux fourmillement culturel. C’est d’ailleurs l’ambition de Patrimoine en partage, conçu pour les UP2A de Seine-Saint-Denis par l’association Patrimoine sans frontières avec les services académiques. Mélanie Ory y avait pris part dès son lancement l’an dernier. En renouvelant l’expérience, elle retrouve Tiphaine Mérot qui est venue ce jour-là en animer la troisième séance.
Un exercice sur les lieux d’origine
Après les présentations d’usage, et un exercice sur les lieux d’origine, les élèves avaient planché cette fois sur un nouveau thème, celui de « la langue ». Tenzin, 16 ans, en parle quatre, qu’il énumère. Anglais, français, hindi – parce qu’il a vécu en Inde pendant deux ans. Il en oublie le tibétain, sa langue natale, qu’il a choisi de faire entendre avec deux clips vidéo, diffusés sur Internet et projetés sur un tableau blanc. Tenzin Youlo, un rappeur, y chante amour du Tibet et douleur de l’exil.
Locuteur de créole, Wendy, Haïtien de 16 ans, présente le « Barikad Crew kanaval » dont les rythmes lui remémorent le carnaval. Bambara et soninké sont les deux langues premières de Bakary, 15 ans, qui a voulu faire entendre l’hymne national du Mali, en souvenir des matchs de foot. Puis c’est un poème en ourdou qui s’affiche sur le tableau blanc avec Safeer, Pakistanais de 11 ans, lui aussi polyglotte, et qui annonce trois langues à son actif, dont l’hindi et le penjâbi.
Parmi les textes présentés chacun avec leur traduction, le Coran s’invite en arabe, d’abord avec Souhila, Algérienne de 16 ans. Puis avec Dembou, 14 ans, qui n’a fréquenté en Mauritanie que la seule école coranique, où il n’a pas appris à lire. Pour Mélanie Ory, c’est une occasion de plus pour expliquer le bien commun de la laïcité. Pour autant, « on ne peut pas leur demander de ne pas parler de religion, nous explique Tiphaine Mérot. J’ai eu des petites du Sri Lanka qui ne sortaient jamais sauf pour aller au temple ».
C’est d’ailleurs ainsi, au fil de son déroulement sur quatre séances jusqu’à la fin de l’année que « ce projet m’aide à les connaître mieux. Il libère la parole », explique Mélanie Ory pour désigner les non-dits qui se dissipent peu à peu sur des « parcours très complexes ». Elle cite Omar, arrivé de Syrie, ou Bakary qui a vécu la traversée à haut risque de la Méditerranée. Des épreuves aggravées par de douloureuses histoires familiales. « Certains ont laissé leur mère au pays, par exemple. Mais quand on les voit en classe, ils donnent le change. »
« Ça leur donne une maturité, observe Tiphaine Mérot. Et en général, ils sont d’une solidarité impressionnante. » Conduit cette année dans 14 classes du département, le projet se conclura pour chacune par la remise d’un livret. À en juger par celui de l’an dernier, c’est un joli portrait de classe, avec six pages par élève pour en raconter avec leurs mots la culture et le parcours.
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