Le choix de me pencher sur le parcours de Monsieur Abdoulaye Bomou repose sur trois principales raisons. D’abord, la Radio jiida qu’il dirige fête, en ce moment, ses activités annuelles d’intégration sous-régionale. La deuxième motivation est scientifique. Il se trouve que je me m’intéresse, dans le cadre de ma recherche doctorale, à l’histoire des familles artisanes de Bakel et sur le devenir des générations actuelles issues de ces familles. Enfin, ce texte peut s’expliquer par l’amitié qui me lie à une personne de sa famille qui me donna cette oppurtinité. J’y ai passé toute ma jeunesse dans leur concession à Bakel parce que nous partagions également le même quartier.
Le parcours scolaire et professionnel d’Abdoulaye Bomou, son engagement politique, son amour pour le métier de la communication et pour son terroir sans le mettre en lien avec ses origines sociales, familiales et géographiques revêtent une importance considérable. Sans dégager ma responsabilité, il est important de préciser que les commentaires suivants sont issus d’entretiens que nous avons eus avec l’intéressé à la journée du 26 août 2013 de 11 à 13 heures dans son bureau de la Radio Djida à Bakel. Par conséquent, je ne cherche ni à faire une propagande encore moins à faire une publicité tapageuse. Ces lignes émanent d’une simple volonté de rendre hommage à un « homme » qui a cru à son terroir.
Abdoulaye Bomou est affillié, de par son appartenance sociale, au clan des forgerons (Niaxamala Ngulu). Deux traits caractérisent ce groupe social : l’exercice d’un métier traditionnel et la suivie systématique de la règle « endogamique » en terme de mariage. Ainsi, les origines familiales d’Abdoulaye Bomou se situent à Diawara (village situé à quelques encablures de Bakel). Son père Mamadou B. Bomou et sa mère Maimouna B. Diakhité appartiennent à des familles de forgerons. Jusqu’aux années 1960, la forge représentait en milieu soninke une source de revenus mais aussi elle englobait mystique et science occulte.
Abdoulaye Bomou est né en 1975 à Tuabou, un village de sa grand-mère feue Daado Demba Gadjigo (décédé en 1983) auprès de qui il fut ses humanités. Son père feu Mamadou Bomou, né à Diawara, fut un ancien migrant en Côte d’Ivoire. Il exerçait le métier de forgeron et de bijoutier. Après plusieurs années en migration, il rentra au Sénégal en 1975 contrairement à son frère cadet Samba Bomou qui resta en Côte d’Ivoire. Au lieu d’aller à Diawara où la concession paternelle était devenue petite, son père acheta deux maisons à Bakel et s’y installa définitivement avec ses deux épouses. En vérité, le choix de Bakel était loin d’être fortuit. Feu Mamadou Bomou avait grandi chez la famille Sambakhé où il fut initié au métier séculaire de forgeron.
A son retour de Côte d’Ivoire, son père décida d’y vivre avec ses épouses et ses enfants sans autant rompre le lien avec le village de Diawara. Des aller-retours des enfants entre Bakel et la terre de leur père étaient constants. Abdoulaye avait bénéficié de toute l’affection qu’un petit fils peut avoir de la part d’une grand-mère. Cette dernière l’avait bercé et vraiment choyé. Sa mère Maimouna Boulaye, née dans les années 40, une cousine de son père, était une fille unique. Elle avait perdu son père Boulaye Saly Diakhité depuis sa petite enfance. Elle s’était retrouvée entre les mains de son oncle feu Demba Saly Diakhité qui joua le rôle de père au vrai sens du terme. D’ailleurs, ce dernier était à l’origine du mariage entre ses deux descendants (neveu et nièce), un mariage reposant sur la volonté parentale tout en se basant sur règle de l’endogamie. Maimouna reste un modèle typique de femme modeste, soumise et attachéaux traditions et à sa famille.
Boulaye naquit dans un environnement familial modeste. Une adolescence mouvementée entre Diawara, le village de ses parents, Tuabou, le village de sa grand-mère paternelle et Bakel, la ville d’installation de son père.
Abdoulaye Bomou est né dans une grande concession et dans une fratrie relativement nombreuse puisqu’il occupe les positions plus ou moins contraignantes de cinquième garçon de son père et le troisième garçon de sa mère.
C’est à l’âge de sept ans qu’il entra en C.I par le biais de feue Sindinké Kanté, devenue d’ailleurs la première enseignante à l’avoir enseigné. C’est après le décès de sa grand-mère qu’il rejoingnit sa mère et sa fatrie à Bakel. Il fréquenta l’école Ibrahima Malal Diaman Bathily (ex-école régionale) où il passa les classes de l’école primaire. Après avoir obtenu son certificat et son entrée en sixième en 1989-90, il alla au Collège Waoundé N’diaye. Il y resta jusqu’en troisième en 1994. Au collège Waoundé N’diaye, Abdoulaye fut dirigeant des élèves. Son activisme était tel qu’il avait rencontré l’ancien Ministre Djibo Kâ. Il lui présenta le mémorandum des élèves pour une solution idoine au manque récurrent de professeurs. Un leader était né pour ainsi dire. Le décès de son père en 1992 fût un moment douloureux pour lui.
En 1994, Abdoulaye Bomou se rendit à Dakar pour faire son lycée tout en affrontant Dakar, cette ville de galère faisant peur à tout jeune campagnard. Heureusement, il avait été accueilli et assisté par ses oncles maternels Samba et Bakary Diakhité aux Parcelles Assainies. Dans la maison, il y avait d’autres étudiants et jeunes candidats à la migration. Il alla s’inscrire au Lycée Limamou Laye et y fit la seconde, sa première et sa Terminale, de 1994 à 1997. Il obtient un Bac A3 et en même temps une pré-inscription pour se rendre en France. L’aventure n’aura pas lieu sur les terres de l’hexagone. Il devait y passer une formation en médiation culturelle. Un projet qui ne se réalisa pas. Pourtant, son objectif était de décrocher un travail pour venir en aide à sa famille particulièrement à sa mère. Il voulait faire un cursus dans la communication. Cette pression familiale a pesé sur la carrière scolaire et universitaire d’Abdoulaye. A cause de la grève de 1997, il n’avait pas pu passer le concours du Cesti. Son rêve était de faire une formation en journalisme. Orienté en philosophie dans un premier, il attendit son deuxième choix pour se tourner vers le Droit.
C’est en 1998 qu’Abdoulaye Bomou se frotta à la vie universitaire en s’inscrivant à la faculté de Droit de l’Université Cheikh Anta Dakar. Malgré sa passion pour la communication, le droit façonna sa personnalité. Il ne s’était pas trompé de choix puisqu’il avait été orienté par ses ainés qui ont épousé cette discipline à savoir Demba Traoré (actuel procureur de la République), Demba Diallo (Cadre à la Banque Islamique de Développement) et Diadié Diallo (juriste). Il obtient sa licence en Droit des Affaires en 2000. Parallèlement, il s’inscrit dans une école de journalisme à distance. A côté de son parcours universitaire, Abdoulaye Bomou se retrouva à la tête de l’Union Départementale des Elèves et Etudiants de Bakel dont il fut un des initiateurs. Son contact avec Abdoulaye Bathily, homme politique, était régulier. En vérité, Abdoulaye Bathily était son idole. Il l’avait fréquenté depuis tout petit et était militant à la Ligue Démocratique.Une proximité qui déboucha sur une promesse pour aller continuer les études en France. A Bakel, Abdoulaye Bomou s’appuya sur l’Union des Elèves et Etudiants du Département de Bakel pour donner un coup de pouce à M. Bathily. Lorsque la victoire politique se dessina en 2000, M.Bathily lui proposa la direction de la Radio Djida. Son projet initial pour aller continuer les études en France a été abandonné sur conseil de M. Bathily et de son oncle. Après les élections sénégalaises de 2000, Abdoulaye Bomou devient le directeur général de la Radio Djida Fm. Le Sénégal venait de traverser un événement politique historique. Après quarante ans au pouvoir, Abdoulaye Wade, porté par une large coalition dans laquelle figurait Abdoulaye Bathily, arriva au pouvoir.
Très jeune, il prend les commandes de la Radio Djida le 1e juillet 2001. Après plusieurs formations en communication à Ouagadougou (Burkina) et dans d’autres pays africains, il dirigea d’une main de fer la Radio Djida. Il intègra un projet dit Plan Radio Afrique du Ministère de la Coopération Français confié à la Radio France Internationale. Cette belle expérience lui donna l’occasion d’apporter du sang neuf au Programme de la Radio. Un nouveau style de management fut instauré. Le premier obstacle fut sa jeunesse qui rimait souvent avec inexpérience. Il a fait de l’intégration sous-régionale son défi majeur. L’inspiration était venue des événements 1989, dont il fut témoin oculaire à Diawara. La Radio Djida avait donc pour ambition de rapprocher les populations du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal. La position géographique de Bakel rendait possible la relève de ce défi. Ainsi, dès son arrivée, il fit une tournée dans plusieurs localités. La Radio communautaire n’ayant pas de fonds, il créa des correspondants locaux qui s’investissaient pour récolter des fonds via les communiqués et les avis de décès. Il met en place le club des auditeurs chargés de réunir les critiques et suggestions des auditeurs dans chaque village. Dans ce chaque village des trois pays, il un créa des télé-centres qui portent les noms de Djida Fm.
Abdoulaye Bomou est aujourd’hui un membre actif de la Convention des Cadres de Bakel. Il se manifeste également dans plusieurs projets concernant la région de Bakel et les Soninké. En vérité, la vie d’un homme ne pouvant pas être retracée en quelques lignes, nous avons juste essayé de synthétiser. Je remercie Monsieur Abdoulaye Bomou pour son ouverture d’esprit. car l’intérêt de ce portrait entre dans le cadre d’une recherche doctorale. Je salue son courage, sa rigueur, son goût pour le travail et son dynamisme au service de sa communauté.
Saliou DIALLO
Doctorant en Histoire (Laboratoire Migrinter, France)